Un entrepreneur qui quitte l’entreprise qu’il a bâtie, ça vous semble impossible ? Et pourtant, cela arrive plus souvent qu’on ne le pense. Mais alors comment les entrepreneurs vivent-ils cette transition et comment se préparer à vivre chaque étape de façon sereine ?
S’il est d’usage de régulièrement évoquer le fameux passage à la retraite, ce moment qui marque la fin d’une vie professionnelle et le début d’une nouvelle tranche de vie, il n’en reste pas moins qu’un entrepreneur peut être amené à vivre bons nombres d’autres transitions lors de son parcours. Qu’il s’agisse d’une faillite, d’une fermeture, d’un rachat d’actionnaires, d’une fusion, d’une vente, d’une maladie ou d’un transfert à la relève; la liste est longue.
Je fais ici référence à l’un des premiers billets de blogue que j’ai publié et qui concernait mon départ de l’EEB. J’avais alors annexé à cet article, un sondage sans prétention qui visait à récolter quelques témoignages de gens qui, comme moi, ont quitté une entreprise dans laquelle ils s’étaient beaucoup investis. Mais le temps file, on fait autre chose, puis je retourne finalement voir les réponses et j’en suis encore toute ébranlée! J’ai reçu tellement de beaux témoignages criants de vérité.
PREMIER CONSTAT : DE VIVES ÉMOTIONS DANS LA TRANSITION
Colère, tristesse, mélancolie, trahison, effondrement, délivrance… et très grande fatigue sont les émotions évoquées par cette transition. On la compare définitivement à un deuil. Un entrepreneur m’a même partagé être incapable de prononcer le nom de la compagnie, et ce, même après plusieurs années de transition. Ouf!
À la lecture de vos réponses, nombreux sont les outils pertinents qui ont été mentionnés et utilisés pour surmonter ces deuils.
Alors, comment passer concrètement à autre chose ?
1. Sortir de sa colère et de sa peine grâce à différents moyens. Et parmi ceux à la portée de tous, l’un mentionné consiste à écrire ses réalisations, voire même écrire son histoire de transition.
2. Prendre du recul, du vrai repos. Ces transitions sont en effet exigeantes mentalement et physiquement. Changer d’environnement, prendre de longues vacances ou encore se retirer de la vie publique pour reprendre des forces, de l’assurance afin de pouvoir s’affirmer dans de nouvelles énergies figurent ainsi parmi les réponses.
3. Trouver du support auprès de son entourage.
– 80% des sondés évoquent l’importance du rôle de leur conjoint(e) dans la transition rappelant ainsi que l’on ne se définit pas dans la vie par l’entreprise que l’on a créée, mais plutôt par les relations avec les gens qui nous entoure.
– Faire le constat des gens qui sont toujours là et qui nous supportent, et dites au revoir aux relations toxiques.
4. Faire le bilan des apprentissages : ne rien apprendre de ces transitions est pire encore que l’échec en lui-même
– Il faut ainsi se questionner et faire en sorte de ne pas revivre les mêmes situations. Il peut par exemple s’agir de problèmes avec des associés ou en solo, de problèmes d’ordre financiers, de convenir de s’entourer de personnes compétentes dans ce domaine, etc. Les remises en question sont nombreuses et semblent déterminantes.
– Il faut aussi décider ce qui sera non-négociable dans le futur.
5. Se trouver de nouveaux projets
– Notamment en dehors de l’entreprise et ainsi diminuer la place que peut prendre l’entrepreneuriat dans sa vie. Il faut aussi veiller à diminuer la vulnérabilité de l’entreprise et ne pas faire reposer son équilibre sur un seul gros client, par exemple.
Que sont devenus ces entrepreneurs qui ont vécu des transitions ?
Mis à part ceux qui sont partis à la retraite, tous les autres sont déjà repartis à l’aventure ou sont près de le faire, avec de nouveaux projets entrepreneuriaux à la clé. Et ça tombe bien, car selon une étude interne réalisée en 2014 (Riverin et Proulx, 2014, EEB), l’expérience entrepreneuriale est très clairement corrélée avec le succès en affaires. Cela revient donc à dire que l’expérience entrepreneuriale s’acquiert au fil des transitions et des défis relevés. L’échec serait ainsi formateur et ferait en sorte qu’on devienne de meilleurs entrepreneurs!
DEUXIÈME CONSTAT : IL FAUT ÉCOUTER NOTRE INSTINCT
Personnellement, après quelques années, mon corps me parle encore plus fort face à des situations inadmissibles. On dit souvent que notre intuition ou la sensibilité de notre système digestif sont de subtiles antennes qui captent les dangers, et c’est vrai! En étant à l’écoute de notre ressenti, en apprenant à pressentir les dangers et en reconnaissant les gens faux ou malhonnêtes, on devient plus clairvoyant. Car aussi intenses que peuvent être les émotions qui nous habitent, elles se révèlent être de vrais outils pour mieux prendre nos décisions futures.
DERNIER CONSTAT : IL FAUT APPRENDRE À CONNAÎTRE LES GENS
Les takers, les givers, les bons associés, les bons employés, les bons clients, les bons fournisseurs, ce sont autant de personnes avec qui nous sommes amenés à travailler quasi quotidiennement et qu’il faut savoir identifier. Cela ne veut pas dire que vivre des transitions revient à perdre sa naïveté, mais c’est assurément développer des réflexes plus aiguisés afin d’éviter les surprises. Là encore, il s’agit de la fameuse corrélation entre le succès en affaires et le nombre d’échecs ou d’expériences entrepreneuriales vécus. On apprend à reconnaître les gens avec le temps, au fil des années et des projets.
Un sondage a priori sans prétention, mais qui s’est avéré révélateur et je me devais de vous le partager. Je terminerai simplement par cette citation de Stéphane Calvet : « Ce que l’homme ne peut apprendre par la sagesse, la souffrance s’en chargera ». Voilà une bonne dose de vérité pour les rebelles que sont les entrepreneurs!
À propos de rouge canari
Fondé en 2017 par la femme d’affaires Nathaly Riverin, Rouge Canari a pour mission de développer une nouvelle génération d’entrepreneurs performants et équilibrés par le biais de formations et d’accompagnement personnalisés selon leurs enjeux. Leader dans l’industrie de l’entrepreneuriat, Nathaly Riverin a initié plusieurs projets en entrepreneuriat au Québec, notamment l’École d’Entrepreneurship de Beauce (EEB), entreprise qu’elle a co-créée et dirigée de 2007 à 2014. Économiste de formation, elle s’est spécialisée en entrepreneuriat et stratégies. Elle a occupé différents sièges, dont celui de VP recherche et développement de la Fondation de l’entrepreneurship, DG de l’EEB et PDG de Femmessor. Elle est présidente du CA de l’Office Québec monde pour la jeunesse et est administratrice pour la Fondation des gouverneurs de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.