Rouge Canari veut construire des projets différents et innovateurs pour les entrepreneurs. Faire différemment, ça part souvent de l’intérieur. Par penser différemment. Effacer les encadrés dans lesquels on enferme nos idées, dans lesquels on affirme nos croyances. Changer la lunette de bord. Regarder l’impact du monde sur nous avant d’aspirer à le changer.
Mettre de côté nos préjugés. Redonner des chances. Se redonner une chance.
L’histoire que je vais vous raconter est classique, mais cette semaine, la vie l’a mise sur mon chemin et c’est ma responsabilité d’ajouter un chaînon à cette bonté. Je partage ma vie avec un entrepreneur d’exception. Un homme sensible à l’humain. Nous voyageons souvent d’une ville à l’autre, entre Montréal et Québec.
Vivant à Montréal depuis des années, j’avoue que je me suis habituée à l’itinérant du coin de la rue jusqu’à ne plus le voir. J’ai poussé mes pensées jusqu’à me dire qu’il est en train de professionnaliser son mode de vie. Ils l’ont même dit à TVA… Celui en face de l’épicerie, il était casé dans ma tête. Et j’ai sans doute mis tous les autres dans la même case.
Mais mon homme n’a pas ces cadres. Il s’arrête face à tous les itinérants qu’il croise et leur parle, leur donne un peu d’argent et leur souhaite une bonne chance, du courage. Il le fait avec considération. C’est lundi, nous marchons ensemble dans le centre-ville. Fidèle à lui-même, il s’arrête devant l’itinérant assis par-terre sur une couverture, manteau ouvert, dents noircies, mains nues, espadrilles bleus… Il neige.
“Salut, ca va?”, dit mon homme. Et ils commencent à jaser…
“Oui, mais j’ai frette.” répond le sympathique monsieur.
“Je voudrais ben m’acheter des bottes, mais j’ai pas assez d’argent.”
“Penses-tu que t’es correct pour t’en trouver avec ça?” Au 20$ de départ, il en allonge quatre autres.
“Ah oui…heille merci! Je vais aller à l’armée du salut. Heille madame, y’est ben fin ton chum!”
“Je sais!”
Nous repartons et je lui partage mon scepticisme. Je serais curieuse de voir les bottes qu’il va s’acheter. Nous concluons: au pire, il passera une bonne semaine! Nous, nous sommes chanceux, alors que lui, il a eu une malchance dans la vie. Le lendemain, le hasard nous ramène exactement dans la même rue. Il est là!
“On va le voir!” dit-je, sceptique.
Maudits préjugés! Il est là, assis par terre avec des bottes noires, des vraies “UGG” dans le style de nos bottes d’enfants. Il lève la tête et nous reconnaît. Il est tellement fier de nous montrer ses bottes “flambants” neuves.
“Heille! C’est toé qui m’a aidé pour mes bottes! Sont belles, sont chaudes! Tu sais pas ce qui m’est arrivé?
Je cherchais plus d’argent pour mes bottes, pi j’ai montré ton 100$ à un monsieur. Il m’a dit:”
“Y’a quelqu’un qui t’a donné 100$ pour des bottes? Vraiment? “
Apparemment, il était sceptique aussi, mais l’itinérant avait encore le 100$ en main…
“Je vais faire mieux. Je vais aller avec toi, t’acheter des bottes au magasin et tu garderas ton 100$”. Ce qu’il a visiblement fait.
Mon homme et moi nous regardons, profondément émus. Et le monsieur sympathique se lève, pour nous montrer le magasin. Avec plein d’espoir dans la voix, et de l’argent en main, il nous dit:
“Heille y me reste encore de l’argent et tu sais-tu quoi? Pour 135$ je peux avoir un mois de loyer, nourri pi toute, à la maison du père. Veux-tu m‘aider? »
“Ben sur, mon chum. T’es capable de t’en sortir. T’as réussi avec tes bottes.” dit mon homme.
“Joyeux Noël.”
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La sceptique en moi a eu une seconde chance aussi. Et je me suis mise à rêver de ce monsieur qui, une fois au chaud et rassasié, contacterait sa famille. Qu’ils seraient tous heureux de renouer ces liens brisés par les épreuves de la vie. Que l’espoir ainsi semé lui permettrait de demander de l’aide pour sa santé mentale et du courage pour trouver un toit dans sa transition de vie. Et fort de son nouveau bagage, qu’un employeur sans préjugés comme mon homme l’accueillerait avec considération.
De la bienveillance et une ouverture au rêve, c’est bien plus porteur qu’une idée dans un cadre.
Qui sait? C’était peut-être le Père Noël?
Avez-vous des cadres qui vous empêchent de créer du beau autour de vous?
À propos de rouge canari
Fondé en 2017 par la femme d’affaires Nathaly Riverin, Rouge Canari a pour mission de développer une nouvelle génération d’entrepreneurs performants et équilibrés par le biais de formations et d’accompagnement personnalisés selon leurs enjeux. Leader dans l’industrie de l’entrepreneuriat, Nathaly Riverin a initié plusieurs projets en entrepreneuriat au Québec, notamment l’École d’Entrepreneurship de Beauce (EEB), entreprise qu’elle a co-créée et dirigée de 2007 à 2014. Économiste de formation, elle s’est spécialisée en entrepreneuriat et stratégies. Elle a occupé différents sièges, dont celui de VP recherche et développement de la Fondation de l’entrepreneurship, DG de l’EEB et PDG de Femmessor. Elle est présidente du CA de l’Office Québec monde pour la jeunesse et est administratrice pour la Fondation des gouverneurs de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.