Vision 2030 de l’entrepreneuriat : bienveillance, vélocité et agilité

21 janvier 2020

J’ai récemment dressé mon bilan des 10 dernières années en entrepreneuriat (la décennie qui a transformé l’entrepreneuriat au Québec). En résumé, ce fut la décennie de l’entrepreneuriat. Tous les acteurs de notre économie se sont mobilisés pour valoriser et faciliter la croissance de nos entrepreneurs et de leurs entreprises mettant ainsi l’entrepreneuriat au cœur des stratégies de développement économique. Ce faisant, cela a aussi permis de construire les bases d’un écosystème entrepreneurial de soutien plus performant. 

De son côté, faisant face aux défis de relève et de pénurie de main-d’œuvre, l’entrepreneur aussi a progressé :

  • En s’entourant de partenaires d’affaires. On note que l’équipreneuriat est en forte croissance ;
  • Par une meilleure planification notamment dans les transferts et la préparation de la relève. On parle encore de 39 000 entreprises à transmettre…
  • Ou par le développement de ses compétences comme leader de plus en plus conscient.  

Fort heureusement, car pour faire face aux nombreux défis actuels, seuls et sans actualiser ses connaissances et ses compétences, l’entrepreneur ne pourra pas traverser les tempêtes à venir. On sent déjà des signes de la fragilité humaine dans les récentes études sur la santé mentale des chefs. Plus la pression est grande, plus c’est difficile à encaisser. Quelles sont ces tempêtes ? J’en identifie au minimum trois… de catégorie 5 ! Et comme tout bon météorologue, je peux me tromper…

  • La tempête « Vélocité numérique et technologique ». Elle caractérise l’incroyable vitesse des avancées numériques et technologiques qui viennent transformer nos méthodes de travail dans toutes les fonctions de l’entreprise. Elles nous outillent à mieux performer dans la mesure où l’on suit et l’on apprivoise ces outils. Ce qui libère du temps pour créer et innover encore et encore… Le mot clé c’est la vélocité de tout : du capital, des technos et même des gens. Ça va de plus en plus vite. (Le futur arrive plus vite que vous le pensez)
  • La tempête « Démondialisation et environnement ». Elle témoigne d’un mouvement de bascule vers la production locale. Pendant des années, les entreprises ont délocalisé leur production en les installant dans les pays en voie de développement, puis vers la Chine, là où la main-d’œuvre était bon marché et où les contraintes environnementales étaient pratiquement inexistantes. Ces délocalisations ont accentué le commerce international. Frappés par l’empreinte environnementale de divers moyens de transport (même les cargos sont polluants !), les consommateurs réagissent. Ils sont sensibles au chemin parcouru par des biens qu’ils achètent. Parallèlement, les avantages concurrentiels de ces pays émergents s’effritent, tant en termes de coût de main-d’œuvre que liberté environnementale. On assiste donc à un retour progressif des activités manufacturières en Amérique. Cela dit, nous n’avons plus les infrastructures ni la main-d’œuvre disponible. Ce qui m’amène à la troisième tempête !
  • La tempête « Je choisis mon milieu de travail et mon patron est mieux d’être bon ! ». Selon les prévisions, c’est en 2030 que la population active sera à son plus faible. Nous sommes donc en pénurie de main-d’œuvre pour dix ans encore. Si l’on conjugue le tout à la saveur « employé de la nouvelle génération » qui exige une place de choix dès son premier jour à l’emploi… Ça donne une belle tempête organisationnelle ! Normale, la pénurie de main-d’œuvre modifie les rapports de force entre employés et entrepreneurs… En même temps, les gens qui arrivent sur le marché du travail sont plus éduqués, plus outillés. À leur premier jour de travail, ils maîtrisent mieux les technos que les plus expérimentés de vos employés. Ils vont faire la vague si vous remplacez une job plate par une machine, encore plus une nouvelle technologie. D’ailleurs, ils ne savent pas ce que CSN veut dire. Ils ont appris la collaboration et la résolution de problèmes dès la garderie. Ils ont expérimenté l’entrepreneuriat du primaire à l’université. Ils sont plus souvent bilingues voir trilingues et ils ont visité plus de pays à leur âge que leurs grands-parents dans leur vie. On peut comprendre que certaines organisations ne répondent plus à l’appel. Nous sommes privilégiés de les avoir, car ils peuvent vraiment aider la réinvention de nos organisations.

Mais quel entrepreneur va surmonter toutes ces tempêtes ?

L’entrepreneur qui va réussir aura trois qualités : la capacité d’apprendre et de décider malgré la complexité, la capacité de mobiliser les humains et de les considérer avec bienveillance (avec soi en premier), la capacité de faire preuve de courage stratégique pour faire évoluer son entreprise et ses employés au rythme des changements. Autrement dit, vivre l’entrepreneuriat en sortant constamment de sa zone de confort. Il va falloir être en forme et bien entouré !

L’entrepreneur solitaire sera nettement désavantagé au profit des équipes entrepreneuriales, multicompétences, multidisciplinaires et multiréseaux. D’où l’importance de développer la force de la mobilisation et la capacité de construire des idées et des projets en équipe. Ce n’est pas donné à tous les chefs de « partager » leur vision. Pour plusieurs, c’est extrêmement exigeant sur le plan des communications et de l’égo. 

Et comment accompagner l’entrepreneur du futur ?

Donc l’économie va vite et je m’interroge. Comment nos écosystèmes de soutien à l’entrepreneuriat peuvent suivre à ce rythme ? Honnêtement, c’est bien connu, le secteur privé et le secteur public ne vont pas à la même vitesse. Est-ce que la refonte d’IQ et du MEIE va permettre cette vélocité en 2030 ? Comment des organisations qui ont des structures très lourdes peuvent-elles être proactivement à jour dans leurs services pour des entreprises qui iront deux fois plus vite ?

Comment avoir l’acuité stratégique requise et la bonne vision ? Avec une gouvernance allégée et une capacité de décision courageuse. C’est bien parti, je crois. De toute façon, avec les facilités de communication, on peut penser qu’il y aura moins de place aux décisions politiques et intéressés. On peut facilement imaginer qu’en 2030, les données acquises par IA parleront très fort et guideront davantage nos choix politiques et économiques.

Cela dit, on n’a pas de temps à perdre ! Le gouvernement du Québec et l’aide à l’entrepreneuriat doivent prendre un virage technologique complet pour finaliser le grand ménage amorcé avec Services Québec. Le plus bel exemple de virage à succès nous vient du fédéral, de la BDC en particulier, avec l’outil des prêts en ligne jusqu’à concurrence de 100 k$. L’outil réduit de 80 % l’ouvrage des conseillers et analystes qui peuvent faire une différence autrement dans toutes les régions. La BDC peut même prendre plus de risques ou offrir des conditions plus avantageuses aux entrepreneurs, car l’outil coûte vraiment moins cher de main-d’œuvre et de paperasse.  

Sur la question des points de service en région avec la fusion potentielle de IQ et MEIE, cela relève de l’évidence dans la mesure où l’on garde les gens d’expérience.

  • De super agents de développement, qui disposent de budgets pour faire les plus grands salons du monde et l’obligation de reddition de ce qu’ils ont appris, sentis et entendus auprès des entrepreneurs de leurs régions… Ceci accélère l’intégration de ce qui se vit dans le monde avec les entrepreneurs partout en région. Facteur de vélocité. J’y crois. 
  • Un réseau IQ régionalisé en lien avec des délégués du Québec dans tous les pays qui partagent nos valeurs, qui deviennent les meilleurs amis d’affaires du monde. WOW, je le vois.
  • De « doers régionalisés » pour servir le central et qui s’assurent de la conformité avec les politiques d’investissement de 12 pages rigides. Non merci.
  • Du leadership pour rallier les acteurs de l’entrepreneuriat partout en région et faire vivre l’esprit de communauté entrepreneuriale. Oui !
  • La capacité à accompagner les entrepreneurs à plus de réactivité, d’agilité notamment technologique puis organisationnelle en mobilisant le secteur privé des services professionnels qui excelle à le faire. Facile.

Se réinventer en continu

Il faudra accepter de célébrer les succès d’organisations qui auront atteint leur finalité ! Ça prend de l’agilité dans tout… Dans les politiques et les stratégies gouvernementales encore plus. Dans 10 ans, on ose espérer que les disparités entre les clientèles entrepreneuriales auront disparu tout comme les organisations créées pour les desservir (Femmessor notamment). Les organisations en entrepreneuriat auront le défi de se spécialiser dans la gestion des humains. On aura à faire avec des équipes entrepreneuriales composées d’hommes et de femmes, de jeunes et de moins jeunes, d’une belle diversité culturelle…. donc ça va de soi.

Exit aussi les programmes conçus uniquement pour la création d’emplois et la réinsertion sociale… Il y a de l’ouvrage pour tout le monde au Québec pour au moins 10 ans donc ça ne sert à rien de mettre de l’argent dans les OBNL crève-faim.

Exit la course effrénée aux investissements étrangers pour attirer des géants dans notre cours. À moins de compenser les entreprises locales qui payent leurs impôts ici par des subventions pour qu’elles gardent leurs employés au cas où.. Autrement, on s’achète du trouble comme dirait l’autre…

Une vision 2030 qui rallie

Dans 10 ans, parce que nous serons dirigés par des leaders authentiques et inspirés, nous serons tous heureux au travail, assis sur notre bonne chaise, notre milieu de travail sera sain et l’organisation sera bienveillante à l’égard des humains et de l’environnement. Les machines se taperont la job plate et nous, en équipe mobilisée, nous aurons la légitimité de créer le futur de nos entreprises main dans la main avec nos dirigeants. Nous pourrons intraprendre pour conquérir la planète et la teinter du meilleur de ce que nous sommes. Entre temps, on a tous de l’ouvrage !

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