2010-2020 : la décennie qui a transformé l’entrepreneuriat québécois

5 janvier 2020

J’adore les rituels ! Depuis la création de Rouge Canari, je m’applique à faire un bilan annuel des éléments marquants en entrepreneuriat (Coups de cœur 2018) et des projections sur les tendances à surveiller l’année suivante (que nous réserve l’année 2019 en entrepreneuriat ?). Mon intention est toujours la même : faire avancer notre « industrie de l’entrepreneuriat pour le bénéfice commun ».  

Nous changeons de décennie donc cette fois j’ai pensé faire le bilan 2010-2020 et dans un autre article, pourquoi pas, je prends le risque de tous nous projeter en 2030… C’est cette phrase qui m’a inspirée :

« Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. »

Goethe

Qui sait ce que ça donnera ! Allez vous chercher un café, c’est un article plus long qu’à l’habitude.

2010-2020 | La décennie de l’entrepreneuriat

Si cette décennie doit être résumée en une phrase alors ce serait sans doute celle-ci :

« Dans l’histoire du Québec, ce fut définitivement la période la plus effervescente pour l’entrepreneuriat québécois. On pourrait même la comparer au boom du Québec inc. des années glorieuses. Sa différence réside dans la démocratisation de l’entrepreneuriat. Tous les écosystèmes économiques, politiques, éducatifs, médiatiques, privés et institutionnels se sont mobilisés pour faire du Québec un lieu d’éclosion et de croissance pour nos entrepreneurs. » Quel travail d’équipe ! Et les résultats sont probants.

Quels furent les éléments déterminants ? En voici quelques-uns.

« BACK TO SCHOOL » POUR ENTREPRENEURS

2010 fut sûrement l’année la plus marquante pour moi. Nous avons mis au monde l’EEB, l’école pour entraîner l’élite des affaires. Le projet est parti d’une idée (pas si) folle : celle de créer une école pour entrepreneurs en Beauce. Je garde le souvenir précis d’un moment, celui où Michael Sabia est dans les locaux de l’ancienne Auberge Arnold en pleines rénovations. « On s’excuse, il y a de la poussière partout ! », disait-on naïvement. Mais on souhaitait que cette école devienne l’épicentre de l’entrepreneuriat au Québec. 

Goethe avait raison. La magie a opéré.

Ce fut déterminant pour l’entrepreneuriat québécois. Ce lieu d’entraînement pour entrepreneurs a mobilisé les grands entrepreneurs du Québec pour former la relève entrepreneuriale. La création de l’EEB et son impact sur les entrepreneurs, conjuguée à l’implication des grands entrepreneurs du Québec dans notre écosystème entrepreneurial, ont eu un effet papillon incroyable.

En 2020, les entrepreneurs de tout âge ont accès à des formations de toute nature. Le camp CEED a inspiré plusieurs régions à créer leurs camps d’entrepreneuriat pour jeunes. Les écoles et les programmes de formation pour entrepreneurs voient le jour partout au Québec. Clairement le développement des compétences entrepreneuriales des entrepreneurs s’est invité dans notre décennie et ce qui a propulsé la croissance des chefs et des entreprises.

LA CDPQ ET L’ENTREPRENEURIAT

Parlant de Michael Sabia, il est évident que son passage à la tête de la CDPQ a redonné une bonne bouffée d’oxygène à l’écosystème entrepreneurial. Ayant la capacité de fédérer et de rassembler les entrepreneurs et le milieu institutionnel, ayant la capacité de supporter financièrement des initiatives nouvelles et d’envergure (Indice entrepreneuriale, devenir entrepreneur, Cheffe de file, Initiative intrapreneuriale, Académie de la relève entrepreneuriale, EEB…), plus « business oriented » que politique, avec des ambitions légitimes pour tout ce qu’elle entreprend, notamment le projet rassembleur de l’Espace CDPQ, le leadership de la CDPQ, sous la direction de Michael Sabia et de son équipe dédiée a propulsé cette décennie en entrepreneuriat.

Merci pour votre vision Monsieur Sabia.

DRAGON et DRAGONNESSE

L’autre mouvement marquant de cette décennie fut incontestablement l’arrivée de l’entrepreneuriat dans la « star système » québécois. En effet, en 2012 l’entrepreneuriat se pointait dans les salons de tous les Québécois grâce à l’émission Les Dragons. Quelle belle occasion d’éduquer les gens à l’importance et aux exigences de l’entrepreneuriat ! La popularité de l’émission fut remarquable.

Qui plus est, l’entrepreneuriat a trouvé des voix. Plusieurs dragons sont devenus de fiers ambassadeurs de l’entrepreneuriat. Mme Henkel, M. Beauchemin, M. Lambert… Ces entrepreneurs à succès sont devenus des « vedettes » invitées aux tapis rouges des soirées glam ! On n’a jamais vu ça auparavant.

Mieux encore, ils ont sauté dans l’arène et enrichi les débats publics. Enfin, des entrepreneurs s’expriment publiquement pour émettre leurs opinions d’entrepreneurs. La diversité d’opinions, ça fait du bien et ça permet de nourrir la culture entrepreneuriale du Québec. En même temps, je ne sais pas comment ils font pour avoir une opinion sur tout… Bravo ! J’en suis incapable !

L’ABOLITION DES CLD

Plus discret pour le commun des mortels, ce changement dans les structures d’accompagnement au développement économique s’est opéré en 2014. Je dois avouer que j’y étais favorable. J’ai souvent eu l’impression que les CLD passaient 50 % de leur temps à faire de la politique pour protéger leurs arrières et 50 % à livrer leur mandat. Sur les territoires, ça donnait un feeling : nous sommes les seuls légitimes en entrepreneuriat et personne d’autre ne doit initier des projets sauf nous. C’était limitant voir intimidant.

L’après CDL s’est décliné de toutes sortes de façons sur les territoires des MRC et des villes. Les villes en ressortent gagnantes, car avec le soutien des élus, plusieurs ont propulsé leurs services en entrepreneuriat, mais les territoires plus petits et moins organisés en souffrent encore par manque de ressources dédiées ou de soutien politique. 

Quoi qu’il en soit, les territoires qui en ressortent gagnants sont ceux qui su partager le leadership et travailler en collaboration avec les divers acteurs de l’entrepreneuriat pour la cause, et non pour leur cause. Ce changement a clairement donné des ailes à Montréal qui finit la décennie au palmarès des écosystèmes concertés et de villes dynamiques en entrepreneuriat. Shawinigan, Laval et Québec ont toutes trois bien tiré leur épingle du jeu.

Tout compte fait, ce fut la bonne décision, car l’entrepreneuriat s’est démocratisé et plusieurs acteurs ont eu de l’espace pour s’engager en entrepreneuriat au-delà des CLD. Pourvu que l’on retienne la leçon. Il faut faire attention de créer des organisations parapubliques si grandes, si bien supportées politiquement, qu’il devient impossible d’adapter les stratégies de développement économique et d’entrepreneuriat.

UNE STRATÉGIE GOUVERNEMENTALE EN ENTREPRENEURIAT

Parlant de stratégies et de grandes organisations, nous avons assisté à la consolidation de la stratégie gouvernementale autour des grands axes de l’entrepreneuriat (valoriser, développer, soutenir, optimiser, dynamiser) avec l’intention de légitimer l’entrepreneuriat comme stratégie québécoise et d’assurer une cohérence entre tous les acteurs et leurs pratiques en entrepreneuriat. Il y a eu des nouveautés comme celle de mobiliser les entrepreneurs et les acteurs clés de l’entrepreneuriat en créant les « Tables régionales en entrepreneuriat » et de consulter les entrepreneurs et les acteurs à chaque renouvellement de plans. C’est mobilisant.

Parallèlement, un travail de consolidation des organisations régionales financées fut amorcé (CTEQ, FEMMESSOR). Cette centralisation a permis à ces deux organismes de se propulser et d’avoir plus d’impacts provincialement. Évidemment, toute centralisation réduit la capacité et le leadership en région. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre !

On pourrait dire que la stratégie est déployée et « rodée ». L’entrepreneuriat au Québec a connu une percée exponentielle et il n’y a aucune clientèle mal desservie. Une autre mission accomplie. Les rôles, responsabilités et budgets sont dédiés, le MEIE a choisi ces acteurs clés, et personne d’autre, pour livrer les ambitions du gouvernement. Les changements qui s’opèrent chez Investissement Québec donneront sans doute un autre coup de barre à l’écosystème. L’histoire nous démontre que ces grands ménages de structure sont positifs ! Je vous exposerai mes quelques idées là-dessus dans mes projections 2020-2030.

MONTRÉALISATION de l’entrepreneuriat

Cela dit, en lien avec la centralisation des organismes et un renouveau du leadership montréalais en entrepreneuriat, et ce fort leadership de la CDPQ (Espace CDPQ), on observe que l’écosystème entrepreneurial de Montréal a pris le leadership québécois en entrepreneuriat. D’autres initiatives créées en fin de décennie viennent confirmer cette tendance : l’École des entrepreneurs du Québec, Expo-Entrepreneurs, la Main (mouvement des accélérateurs d’innovation), Entreprendre ici (diversité culturelle).

Au début de la décennie, ce leadership québécois en entrepreneuriat était plus près du politique, dans la Capitale-Nationale, notamment dans les mains de la Fondation de l’Entrepreneurship et du Concours québécois en entrepreneuriat.

MISSION ACCOMPLIE

En 2010, l’objectif consistait à encourager l’entrepreneuriat globalement pour stimuler les emplois et le développement économique de nos régions. Pari réussi.

En 2020, célébrons l’impact considérable de cette décennie sur l’entrepreneuriat. Mieux structurés comme écosystème, mieux outillés pour relever des défis plus grands, mieux financés pour livrer des services de qualité, compétences collectives propulsées, nous sommes définitivement mieux positionnés pour affronter la prochaine décennie qui regorge de défis encore plus ambitieux. Une chance pour nous, il y a encore beaucoup à faire ! 

So what pour nos entrepreneurs ? Ils sont devenus notre fierté nationale et nous les remercions ! Gageons qu’ils se sentent mieux en 2020 ?

Surveillez mon prochain billet sur mes projections 2020-2030 !

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